La pénurie d’employés

Depuis le début de la pandémie nous avons entendu l’opinion de plusieurs personnes du milieu de la restauration sur les enjeux de la pénurie de main-d’œuvre. Cette pénurie qui s’est fait beaucoup ressentir au premier déconfinement était dû, selon plusieurs, au fait que le gouvernement payait les gens pour rester à la maison. En d’autres mots, les travailleurs de la restauration gagnent mieux leur vie avec les prestations gouvernementales qu’avec le salaire reçu de leur employeur. Cette pause leur a permis de revoir leur avenir, de faire des choix différents pour s’assurer un emploi et un salaire stable et sécurisé à long terme. Beaucoup se sont reconvertis dans d’autres secteurs d’activités complètement différents comme électricien, fonctionnaire, éducateur.

La pénurie en chiffres

L’Association des Restaurateurs du Québec (ARQ) recensait 20 737 établissements en 2018 et ils ont indiqué qu’en décembre 2020, 2400 de ces établissements n’avaient pas renouvelé leur permis d’exploitation. C’était le début des grands dommages collatéraux de la pandémie sur le secteur de la restauration. Il est impossible de connaître les chiffres actuels sur leur site Internet mais il est probable que le nombre de non-renouvellement de permis augmente. Les chiffres montrent aussi qu’au Québec, en juillet 2021, il y avait plus de 300 000 personnes au chômage et qu’il y avait quand même 11 080 postes à pourvoir dans l’industrie de la restauration.

On pourrait conclure que la pandémie a mis en lumière des aspects de ce milieu de travail qu’on ne s’attendait pas à voir avant 2020. Un métier tremplin pour certains et surtout, un choix de carrière pour d’autres dans des conditions mal connues du grand public. Il est clair que le secteur de la restauration perd de son côté glamour lorsqu’on regarde les salaires qui n’augmentent pas, les conditions de travail exigeantes, les horaires très demandant sans oublier le stress continu de la performance.

À l’été 2021 l’industrie de la restauration a subi certaines des fermetures les plus longues au monde avec plus de 10000 restaurants qui ont mis la clé sous la porte. De plus, des centaines de milliers d’employés des services de la restauration ont perdu leur emploi et beaucoup d’entre eux ne reviendront pas.

La marge de profit d’un restaurateur n’est pas très élevée. Il est donc difficile pour celui-ci d’augmenter les salaires de ses employés sans que cela n’ait d’incidence sur sa marge. Sans prendre en compte l’augmentation des matières premières qui a aussi subi une augmentation d’environ le même pourcentage que la marge de profit que fait un restaurant.

L’enjeu des salaires de la restauration

Les salaires en restauration sont considérés inacceptables avant 2020. On parlait d’un taux horaire débutant autour de 13 ou 14$ comparés à d’autres secteurs économiques où le salaire moyen pour débuter est autour de 22$ par heure. Cet élément à fait en sorte que les écoles de restauration ont formé 1800 finissants en 2019 malgré les 6000 postes disponibles à travers ce secteur d’activité. La pandémie a eu un impact brutal sur le secteur: en un an, 22% des travailleurs de la restauration ont quitté leur emploi de façon définitive et les écoles de restauration ont, quant à elles, observé une baisse de 33% de leur taux d’inscription.

Pour réussir à augmenter le salaire de leur brigade, certains restaurateurs décident de fermer une journée de plus par semaine, d’autres réduisent leurs heures d’ouvertures et d’autres augmentent les prix sur leur menus. Certains vont même jusqu’à combiner toutes ces solutions pour rester ouvert et se garantir une équipe fiable et complète.

Certains restaurateurs racontent même que lorsqu’ils reçoivent en entrevue des employés potentiels ce sont eux-mêmes qui se retrouvent en entrevue, à vendre leur salade, à rendre leur postes à combler des plus intéressants. Les employés potentiels n’ont aucune gêne à demander le salaire qui les intéresse et à tourner les talons si leurs attentes ne sont pas rencontrées.

A quel salaire s’attendre maintenant ?

Dès la fin de 2021, nous avons vu certains salaires dans la restauration augmenter à 20$ par heure. Comme mentionné plus haut, si les restaurateurs ne peuvent pas compenser cette augmentation en réduisant leurs coûts de base, ils peuvent seulement augmenter les prix de leur menu. Il n’est pas difficile de croire que les salaires devront continuer d’être compétitifs tant que la pénurie de main-d’œuvre ne s’est pas résorbée. Le débat sur le partage des pourboires pour combler les bas salaires en cuisine ne passe pas inaperçu. Des employés de services sont d’accord avec ce partage et d’autres sont de l’avis que le salaire de la cuisine relève surtout de la responsabilité du restaurateur.

Et comme autre solution pour l’avenir, certaines têtes d’affiches du domaine demandent même qu’il y ait un nombre limité de permis d’exploitation émis par année pour limiter le nombre de restaurant et ainsi, diminuer la compétition et réduire la pénurie de main-d’œuvre.